Passe l'insulte à ton voisin



Il y a des jours où l'on oublie l'agressivité du monde dans lequel on vit...

Peut-être parce qu'on se dit qu'au fond, on est des petits veinards de vivre là et maintenant, plutôt que dans d'autres coins du globe où nos frangins frissonnent d'effroi à chaque coin de rue.

Alors c'est peut-être aussi pour ça que je tombe de haut, bien haut, quand je me prends en pleine face l'agressivité ambiante.
Comme si jusque là, il était un devoir de préserver et de se réjouir de cette chance d'être là.

Bien sûr, comme dirait l'autre (et il aurait pas tort), les temps sont durs, la vie est stressante et les gens... bah y pètent un peu un plomb.

Ok un point pour l'autre.

Mon anecdote vous allez le voir, est insignifiante.
Insignifiante par sa durée et sa banalité, et pourtant elle est dramatiquement symbolique.

Et il est important que chacun d'entre nous, dans un bel élan de passe le message à ton voisin, laisse tomber le cynisme deux minutes pour se sentir concerné, consterné et en danger.
En danger d'indifférence et de haine banalisée.

Alors je sais, d'ordinaire ici on se marre (mais ne paniquez pas, dans le plus pathétique il y a toujours de quoi rire c'est même là que c'est le plus savoureux)
mais parfois il faut d'abord en passer par quelques larmichettes.

C'est une matinée de courses qui s'achève, fatiguante et néanmoins réjouissante, parce que j'ai douze ans d'âge mental et que moi j'aime bien quand ça sent Noël. 

Super mouflet trépigne dans sa poussette (le cher ange) j'avais en amont bêtement négocié le calme à la Fnac en échange de frites à la sortie (oh oui bon je sais c'est moche mais si t'es jamais allé dans un centre commercial avec un gamin de trois ans tu peux pas comprendre...) et nous voilà donc dans la réjouissante file d'attente du Mac do afin d'obtenir les sus-mentionnées frites.

Je suis en train de tenter de passer commande lorsqu'à ma droite j'entends un grognement. Dans le brouhaha ambiant j'avoue, je n'y prête pas attention, toute concentrée que je suis sur ma mission de mère exemplaire, à savoir remplir la panse de mon enfant en pleine croissance d'huile de palme hydrogénée...

Les mots grognés se réitèrent plus vivement, je comprends alors qu'ils s'adressent à moi.
Je demande bêtement "pardon ? " en direction du jeune monsieur.
Parce que moi, bah oui, je suis une cruche, de celles qui disent encore pardon quand on les bouscule dans la rue pendant que le bousculeur lui s'en fout et est déjà bien loin.
C'est alors que j'ai droit à ce "dialogue" surréaliste (je mets dialogue entre guillemets parce qu'il sous-tend que nous soyons encore dans un lien entre êtres humains pourvus "d'humanité"):
_ sur ma jambe là rhoooo pfffff ca va quoi!!!!!
_???? pardon il y a un problème?
_la poussette là!! putain!!
_oh pardon (je n'ai à ce moment toujours pas bien compris son problème mais visiblement la poussette - figurez-vous une file d'attente Mac do aux heures de pointe - le frôle, alors même qu'elle est immobile depuis 5mn...et puis on est pas des conducteurs de chars d'assaut comme certains parents, on se croit pas tout permis hein!)
Je passe à autre chose (fuir un Mac do au plus vite rien de plus légitime) en disant à la serveuse navrée de ce spectacle :
_c'est terrible le monsieur est très tendu, une jambe de bébé l'a frolé!
Sourire amusé de l'équipe.

Mais monsieur ne veut pas en rester là, piqué au vif par ma remarque.
Grand échalas me dépassant de bien 20 cm il enchaîne un truc incompréhensible et inretranscriptible fidèlement dans le goût de :
_ quoi, ca va mais oh quoi le gamin la poussette là ça fait 2 fois
_vous savez avec le sourire ça marche aussi bien et je vous ai déjà dit que j'étais désolée (bon on passe à autre chose là?!)
Visiblement non, le monsieur s'approche se voulant menaçant
_ouai bah ton sourire il est hypocrite alors vas-y me parle pas
(à cet instant je me dis TON sourire?! on se tutoie maintenant? enchanté mais nous n'avons pas encore été présentés. Et je me demande bien sûr s'il est opportun de lui faire une explication de texte maintenant afin de lui expliquer que quand je parle de sourire, c'est à lui que cela s'adresse...)

Sur ces entrefaites mon mari arrive derrière moi, prend en cours l'altercation et ajoute sans trop comprendre, un brin rigolard :
_vaut mieux un sourire hypocrite que pas de sourire !
Le mec continue à s'hystériser en prenant un air de diva outragée :
_toi tu te tais, jte parle pas regarde ton menu
(genre c'est entre ta bitch et moi mec)
On s'échauffe quand même sérieusement là, ça commence à devenir délicat de rester courtois, mais n'oublions pas que nous sommes sous le regard médusé d'un gamin de trois ans qui ne comprend rien à ce qui se passe et commence à s'inquièter visiblement, alors on se contient et c'est alors que, pompon du spectacle, il me balance à 5 cm du gamin, un royal : TU FERMES TA GUEULE!!!! Avant d'être interrompu par la main salvatrice d'une de ses collègues qui l'alpaguant par le bras le tire hors du blocos.

Bon alors...j'ai beau pas finir complètement psychorigide, là le gas qui se tend en 2 minutes comme ça, qui monte en pression direct (toi dans ton univers t'en es encore à te demander ce qui t'arrives qu'il agresse déjà) primo ça me choque autant que ça me laisse perplexe...comment être tendu à ce point, haineux contre son prochain pour si peu??
(tu hésites un instant à lui proposer une thérapie gratuite, tiens si j'avais eu de la répartie et si j'avais pu en placer une, je lui aurais bien proposer de le recevoir lundi pour une petite séance afin de traiter ses pulsions agressives, on aurait parlé de son enfance,son père etc. de toute cette haine dans la cour de récré)
et deusio putain merde chier (je suis en colère là et mon fils est couché nananère) devant un gamin????
mais dans quel monde on insulte une maman avec son bébé????

L'immunité de l'oreille des petits à l'agression c'est fini? insultons nous les uns les autres devant les sorties d'écoles pour être bien sûr de leur transmettre une belle image du monde, un exemple à suivre qui soit bien adapté, foutu pour foutu.

Le plus lamentable dans tout ça bien sûr c'est que personne ne bouge, le "manager" de l'autre coté de son comptoir ne fait pas de remarque à son client. Seule la petite serveuse adorable qui nous réconforte après le départ du type en me disant : ne faites pas attention, les gens.....
je me dis mais merde alors ils doivent en voir tous les jours en fait des gens se faire insulter de l'autre coté de leur comptoir. Les pauvres.

Mais "ne faites pas attention" ça raisonne encore en moi...
Il est hors de question que je ne fasse pas attention quand on m'insulte devant mon enfant. Les gens savent que le code pénal prévoit quelque chose contre ça?
On s'en fout?
Il n'est pas question d'en faire une histoire de Justice, ni même d'en faire une question de moral (le mot est hèlas bien trop dévoyé aujourdhui) mais une simple question d'humanité (non ce n'est pas un mot pour bien-pensant en tutu).
On ne se sourit plus, les gens dans le métro me prennent pour une dingue parce que je leur tiens la porte et leur cède ma place et je ne vous parle même pas de quand je leur parle.....je me prends des crampes à longueur de temps aux caisses des monops quand je fais des blagues aux gens de mon quartier (bon ok frontière 15eme/7eme je cherche la merde aussi), seules les mémés sont joyeuses de nos conversations dans le bus....mais de là à insulter les mamans à poussette devant un petit qui regarde médusé la scène, on va où la au juste ??

Le plus cynique dans l'histoire c'est que le type en question ne faisait même pas cela avec la jouissance de l'anonymat, dans un style je me lache parce qu'on ne me retrouvera pas, ce qui sous-tendrait une certaine conscience que c'est honteux d'agir ainsi.
Bin non, le gas il avait son badge H§M autour du coup, rutilant, bien identifiable. Il t'insulte et il t'emmerde.
Voilà tout.
Avec l'air énervé et outragé du personnage important.

Un truc de fou, en plein 15eme arrondissement, c'est quand même pas la grosse cité, point d'argument sociétal à la con de ce genre.

Et puis moi... qui n'a pas vraiment su quoi faire sur le coup, je ne suis pas armée pour cette guerre là.
Ce fratricide du quotidien, je n'y suis pas préparée.

Sans parler de mon ego qui en a pris un sacré coup, soyez solidaires je me suis faite insulter par un type aux cheveux gras qui portait des baskets compensées de la saison précédente, c'est rude ça pour une fidèle lectrice de Vogue.  

Après reflexion j'en ai eu plein des répartis cinglantes qui me sont venues, mais les aurait-il comprises? je ne crois même pas.
L'attaquer sur son physique et son allure (et croyez moi j'aurais pu, qui, mais qui porte encore les cheveux en queue de cheval haute et huilée rasés sur le côté??!) ce n'est pas mon truc.
Bref si vous voulez admirer le specimen et boycotter son rayon c'est au H§M du (qui se veut) très chic centre Beaugrenelle sur les bord de la Seine que vous verrez l'animal.

Et en attendant, pleurons ensemble sur les vestiges d'un monde ou l'on pouvait encore partager un comptoir......

 

Commentaires

  1. Bonjour je travaille pour funky giraffe.fr et je voudrais demander si vous seriez intéressé à écrire une critique de nos produits bébé la? Nous serions très heureux de vous envoyer des échantillons. J'espère parler bientôt :) seth point freelance at gmail point com

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