Petit manuel de survie à l'intention de l'honnête travailleur assailli par une psychopathe au boulot :


en d'autres termes ta (ou ton) boss est un dingue et tu vas craquer, ce qui suit est pour toi (tu verras, tu vas, d'un coup, te sentir moins seul).

La vie est une petite farceuse et parfois elle décide de nous mettre à l'épreuve.

Ainsi, humble étudiante en science de la diversité de la psyché humaine, et sottement interdite de stage par une faculté gérée comme une école de commerce, me voici catapultée dans le milieu du travail....la tête la première et par la grande porte, j'ai nommé notre bien aimée éducation nationale.

Et alors là, du stage de terrain en psychopathologie tu t'en bouffes.
C'est tellement beau que tu aimerais demander à ta fac une validation des acquis après un mois de travail, parce que sur place tu gères des cas exceptionnels, n'ayons pas peur des mots.
Tu l'as ton entraînement psy ma grande de quoi tu te plains!

Et le grand prix de ce début d'année revient sans hésitation à ma supérieure hiérarchique, magnifique spécimen de harceleuse née.
Une façon d'être aux autres, forcément toxique, nécessairement fatigante.

Ce ne serait que tordant si ce n'était pas si pathétique.

Et chaque jour je me demande si en sortant du bureau, je ne devrais pas lui faire remplir une feuille de soins, histoire d'envisager une compensation financière de la sécu à mon calvaire.

Ça pouvait se sentir assez vite, dès les premiers jours, mais bon...au début c'est comme tout ma bonne dame, on ne veut pas trop y croire, on se dit qu'on interprète mal les gestes et les paroles, et que peut-être, allez savoir, elle a une semaine/mois/séparation/menstruations/enfance, difficile.....

Il faut aussi reconnaître que je suis une grande optimiste, que j'aime à trouver des côtés attachants à mon prochain (même le plus con, ce qui est vraiment charitable de ma part, mais très très con et à moi ça me permet donc aussi de me trouver attachante, enfin bref, c'est con quoi) et surtout, surtout, j'aime autant éviter les conflits, mi par fainéantise, mi par lâcheté sans doute, ou alors est-ce parce que je commence à savoir d'expérience que ça ne résout pas toujours le problème voir que ça l'aggrave ?....(si toi aussi tu as eu la chance de croiser plusieurs pervers au boulot tape dans tes mains!)
Je ne sais pas.
Toujours est-il que le moindre doute n'est plus permis, ma boss est folle et en plus ne fout rien, c'est un sketch.
Bah oui faut la comprendre aussi, tu peux pas alterner tous les jours un savant mélange de crises de colères (cris, claquages de porte, tais-toi, et balançage de chaises à gogo) avec crises d'angoisse ("j'ai mal" "je vais m'évanouir" "j'ai chaud" "j'ai du mal à respirer, chuis sûre que c'est une hypoglycémie") et en plus avoir du temps pour faire ton boulot.

Pour dresser un tableau à peu près complet de la situation, il ne faut pas oublier de préciser qu'elle alterne dans les rapports humains, les critiques et les mots doux (je n'ai jamais été autant la chérie ou la puce de quelqu'un que ce dernier mois) - elle a une charmante façon d'appeler mon collègue fier gaillard d'un mètre quatre vingt "mon bébé" qui confine au sublime - je suis donc et en résumé, une-puce-abrutie-qui-ne-comprend-rien-drôle, ou alors une nana-énervante-et-imprécise-qui-est-une-chérie-comme-sa-fille.
Le tout bien évidemment assorti d'un gros câlin, tête saisie de force, coincée entre ses deux énormes nichons de matriarche.  

On a beau au début se croire au dessus de ça, c'est rapidement schizophrénique. L'alternance caresse/morsure, ça empêche de trouver un créneau pour s'énerver à son tour, et surtout ça épuise, ne laissant que peu d'espace mental en pleine forme pour mettre en place une révolte.

J'étais donc bien partie pour me rendre à mon tour dingue sous les assauts de cette malade (et mon contrat dure un an!help).
J'ai envisagé le recours à sa hiérarchie mais que nenni, n'oublie pas que d'une, nous sommes dans l'éducation nationale et que rien ne bouge tant que personne n'a été violé (et bon là vous m'en voudrait pas mais je me suis pas dévouée comme victime) et que deux, quand bien même j'irais me plaindre (et personne ne peut décemment complètement ignorer son mode de fonctionnement) elle se ferait peut-être bien remettre en place, mais ma vie dans le bureau deviendrait alors plus qu'un enfer, son délire augmentant à coup sûr. Et n'omettons pas que nous partageons le même bureau. Gloups.

Me voici coincée, bêtement.

Subir en fermant mes oreilles ? Passivement et distraitement.
Pas facile, je m'y essaie.
Agir par pique, également.

Mais la seule échappatoire qui m'apparaisse, là, tout de suite maintenant avant implosion, c'est de vous raconter et de partager les dingueries, parce qu'à force de me demander comment tenir le coup et ne pas claquer la porte, j'en avais presque oublié à quel point cette femme est à mourir de rire et la situation à fort potentiel comique, tragi-comique soit entendu, mais hyper drôle quand même.
Ainsi si une caméra nous filmait on ferait un malheur sur YouTube.

Premier petit délice : ma boss est parano.
D'un petit geste délicieux, elle fait régulièrement "chuuuut" et mime une clé qui ferme sa bouche à notre intention.
Et là elle chuchote "taisez-vous! moins forts! ils nous écoutent là-haut" "ils veulent nous coincer".

Qui là-haut ? la direction ? les martiens ? La CIA ? mystère mystère.....
Mais une chose est sûre, selon elle, ils nous veulent du mal....
D'ailleurs à l'entendre "tout le monde nous critique" mes collègues et moi, mais ELLE elle nous défend.

J'ai envisagé plusieurs solutions afin de répondre à ça :
se plaquer au sol, courir se blottir sous son bureau en hurlant "OOOOOOUUUUIII MOI AUSSI JE LES ENTENDS!!!!!!!! ILS ARRIIIIIIIIIVENT!!!!!!!".
Ou alors se jeter sur son portable en lui disant que ce n'est plus possible qu'elle et nous subissions ça et appeler devant elle, médusée, la police, pour demander du secours......

J'hésite encore.

Pour l'instant je n'ai eu l'audace que de tenter la simple rationalisation, étonnée, "vous pensez vraiment ? maiiiiis non les gens ne sont pas contre nous vous savez......" et je n'ai réussi qu'à l'énerver encore plus "je ne suis pas folle tu sais! tu es jeune, tu ne vois rien! je comprends les choses plus vite que toi, t'es lente pour cerner les gens"
oui oui oui  oui oui oui.....C'est beau ça non ?
que répondre à part un long silence gêné ?
"mais bien sûr que siiiiiiiii VOUS ÊTES UNE MALAAAAAADE!" ou encore "vous avez raison c'est visiblement moi qui suis trop jeune pour avoir décompensé la même psychose que vous!! connasse!!!!!"......
hum hum.


Autre perle : 
ces dernières semaines, elle a contracté de nombreuses maladies (diverses grippes, sciatiques et gastro) sans symptômes visibles de l’extérieur, mais qui sont malheureusement venues se cumuler avec les nombreuses maladies qu'elle a déclaré avant, et dont elle a plusieurs fois failli mourir dans d'atroces souffrances bien sûr.
Ah bah évidemment sinon ça impressionne personne.
Et il faut toujours que cela soit raconté après avoir agressé quelqu'un, sinon ça perd de son effet culpabilisant sur le mec qui allait s'énerver en retour.

Pas mal pensé hein ?

Plusieurs réactions s'offrent alors à vous dans telle situation :
"t'es malade ? tant mieux tu vas peut-être y passer et enfin nous lâcher!!!!!" est une hypothèse, mais demande de se départir de tout espoir de calme et d'une forme certaine de culpabilité.
Mais bon faut reconnaître, comme me le faisait justement remarqué un proche de bon conseil, qu'elle l'aurait bien cherché.
Il faut également tenter de s'évanouir et d'arriver malade chaque matin pour lui piquer la vedette, mais je ne crains qu'elle s'en foute complétement, vu qu'elle nous coupe à chaque fois qu'on raconte notre vie..... 
Il reste une forme plus sournoise que je vous promets d'essayer, la déculpabilisation vers l'arrêt maladie "maiiiiis bien sûr que vous souffrez, vous devriez d'ailleurs vous mettre en arrêt c'est dangereux pour vous tout ça".

Le plus retord c'est lorsqu'elle vous prend à témoin de la loyauté que vous lui devez, en répétant "tu es mon amie ? tu es mon amie ? HEIN??".
Et bien entendu, vous n'osez pas lui dire que vous la connaissez à peine depuis quinze jours et que même après deux ans vous avez des doutes sur la possibilité d'une once de début de sentiment amical......
Et hop! après ça une petite confidence farfelue sur une de ses nombreuuuuuuses zet passsssionnantes expériences de vie.
Cette femme a tout fait, tout vécu, elle a tout connu, la guerre, les francs mac, les anars, les armes, la peur, la faim, la gloire universitaire, la beauté (disparue?!) et j'en passe.....
Et là vous êtes couillonnés parce que de prime abord (disons à la première ou deuxième confidence en tout cas, après, ça devient louche) vous avez envie d'y croire, et puis vous vous dites, cette pauvre femme doit avoir souffert pour être comme ça aujourd'hui (oui ça c'est mon côté assistante sociale qui ressort, ça me perdra) et aussi un petit "chouette un beau cas" vous traverse votre petit esprit torturé de psychologue en herbe en soif d'apprendre.

Et la réalité vous rattrape.
Il n'y a pas de beau cas, simplement quelqu'un qui profite de la situation pour se défouler sur vos petits collègues et vous, se soulager les nerfs à moindre frais et surtout vous vous rendez compte, qu'elle ne fait rien, strictement rien et que vous vous tapez tout le boulot à sa place.

Pendant que Madame brasse de l'air en parano.
Et vous fait des yeux de biche pour vous demander "comment on faaaaaait ? quand est ce qu'on fait-ci ? t'as pas fait-ça ? tu vas le faaaaaiiiiiiire".
Passez la première seconde (demi-seconde) où votre ego est flatté, vous trouvez ça un peu louche qu'avec 30 ans de métier elle sachent pas faire des trucs et vous les demande à vous qui bossez là depuis 3 mois..... et elle d'ajouter "dis toi que je bosse autant que toi si ce n'est le double!".
Bref vous sentez bien que vous vous faites enculer quelque part mais  
OÙ ?........

Une fois encore, de nouvelles possibilités s'offrent à vous :
prendre en permanence un air niais et répéter que vous n'avez pas compris la question,
ne lui donner que des infos pourries et fausses et voir jusqu'à quand ça peut tenir......
le risque étant bien sûr, d'être tenue pour responsable et de vous faire virer.....mais ça peut être marrant de la voir devoir gérer vos conneries en attendant le gros clash (à ne pas faire si vous avez une maison, des enfants à charge-raté pour moi quoi-, cofidis sur le dos....).

Il y a encore pleins d'autres joyeusetés du genre à vous conter, mais avec elle, chaque jour est une fête d'anniversaire surprise organisée par vos pires ennemis du collège, et il faut se garder du croustillant au chaud pour plus tard (oui ne soyez pas trop impatients, il est évident qu'elle m'a déjà inondée de détails sur sa vie sexuelle et autre ménopause, MIAM!).

Nous finirons donc cette première immersion dans le monde des cinglés au boulot, par cette magnifique saillie dont elle nous a honoré :
"j'ai beaucoup souffert, pendant des années j'ai été harcelée dans mon ancien bahut, ma boss, une malade, qui me voulait du mal, mes collègues des traîtres et des garces......

NON ? C'EST MARRANT J'AI COMME UN LÉGER DOUTE LÀ......






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