Morceaux d'Histoires : "Détartrer mes souvenirs..." Une comptine pour grande personne ...!




Le ronronnement de la fraise bourdonne encore à mes oreilles.

Le grincement et le goût métallique habite encore l'habitacle buccal.

Je n'ose pas goûter mon café.

Et si le chaud venait titiller l'espace entre mes incisives, à vif après la roulette ?

Ma joue est molle. Ma lèvre inférieure pendante comme une bajoue de dogue baveux.

Mes sensations sont franchement désagréables.

J'aimerais me plaindre à la cantonade, mais je suis vaguement gênée : je n'ai pas vraiment mal aux dents.

J'ai mal à mes souvenirs d'enfance.

Je détestais le dentiste quand j'étais petite fille, et derrière sa blouse, tous les adultes qui font souffrir sans jamais rien expliquer.

D'extractions en plombages, j'ai passé des nuits sans sommeil, d'appréhension à l'idée d'aller poser mes fesses sans broncher sur le cuir blanc du fauteuil incliné.

Mon petit visage perdu au centre du monstre articulé.

Enfoncée au cœur du poulpe aux tentacules robotiques.

Le spot lumineux m'éblouît et fait briller un peu plus encore le bras argenté de mon bourreau.

Même le goût de la petite piqûre n'a pas changé.

Non. En vérité, je n'ai pas eu mal.

Mais ce matin, un fantôme de mon enfance est venu me visiter.

Je me décide alors à l'arroser massivement de café, lui n'a le goût que de ma puberté.

De cet âge où l'on peut enfin s'improviser adulte.

La force et l'amertume de ma gorgée rencontre alors la sensation molle et mentholée de l'anesthésiant, et rince en s'évacuant dans mon gosier, quelques peurs enfantines qui y étaient restées cramponnées.

Ce midi, en bas de la rue qui mène au cabinet dentaire, attablée devant une tasse en porcelaine blanche vide, j'ai rencontré l'adulte, anesthésiée en moi...




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