Toi et tous tes potes dans ta tête

 
Ils sont là tous les amis étalés. Listés comme une commande Monoprix.
Liste interminable et rassurante. En allumant l'ordinateur on est déjà moins seul.
Vraiment moins seul ?
La vie de chacun défile. Soigneusement sélectionnée ou maniaquement dégueulée à chaque occasion, pour bien s'assurer que les moments existent. Que l'on existe.
La vie sociale ne doit plus seulement être, elle se doit d'être visible. Par tous. Validée.
Le risque ? La mort sociale, ou plutôt la mort cyber-sociale. Sensiblement différent et pourtant...l'illusion est tenace. L'illusion qui veut que tous ceux qui s'échapperont des réseaux se verront bannis de la vie de la collectivité. Alors même que l'expérience des courageux ayant coupé le lien démontre le contraire. Aucun d'entre eux n'a été retrouvé oublié chez lui, mort de faim, de soif et de solitude...
Et pourtant, pourquoi se passer de l'outil ? Du moyen de communication en lui-même ? Le moraliser alors ? S'éduquer à être plus raisonnable, plus réaliste. Je n'ose dire plus réel.
Si de récentes études ont démontré que les plus gros utilisateurs de facebook mettant en comparaison permanente leur vie avec celle des autres, finissaient par avoir une mauvaise estime d'eux même, la déprime guette toute une génération.
Facebook symbole de la génération toujours plus et mieux que l'autre ? Éternelle insatisfaite, d'elle même et du modèle qu'on lui propose.
Il va devenir essentiel de dire et dire à nos ados surtout, que les réseaux sociaux sont une opportunité formidable pour garder et créer du lien mais également et surtout, un miroir de nos aigreurs et de nos frustrations, le lieu de toutes les rivalités jusque là refoulées dans l'intimité des consciences et des conversations (« conversation » modalité oubliée du rapport humain, dévoyée de son sens premier : échange verbale de visu entre deux entités humaines matériellement palpables, et le palpable est important).
Nous avons tous fait l'expérience, de notre envie malsaine d'aller observer la vie de nos anciennes camarades de lycée, le besoin de détailler les cv et de regarder les photos des anciens petits amis. Pouvoir jauger, chercher dans les détails et les attitudes des photos, le pathétique ou le ridicule. La satisfaction à se rendre compte que la vie des autres n'est pas si fantastique, se gargariser d'avoir « fait mieux ». Mais voilà, personne ne va mieux après ça. Rien de vos souffrances n'a changé.
Rien de vos manques et de vos solitudes.
Bien sûr il y a aussi la joie de se voir et se parler lorsqu'on est loin des gens qu'on aime, la manière artificielle et pourtant touchante de pouvoir maintenir le lien avec de vieux copains, toujours autant appréciés mais qu'on n'a plus le temps de voir.
Nous pouvons avec quelques années de recul faire le lien, nous savons que les plus gros listeurs d'amis ne sont pas ceux qui sont le plus invités à sortir le samedi soir.
Que ceux qui nous informent en temps et en heure de chacun de leurs plats servis au restaurant doivent sacrément se faire chier à table.
Et que les plus belles nanas photographiées sous vintage cam ne sont pas forcément les plus belles repérées à la caisse du Franprix.
Dans la vraie vie quoi. Celle où quand on voit un ex avec sa nouvelle copine on doit traverser la rue en courant pour se cacher pour pleurer après une rupture. Où on ne peut pas liker quand on déteste parce que ça se lit sur notre visage. Celle ou quand on veut voir un ami on doit se libérer du temps pour aller boire une bière, tout simplement parce que sacrifier du temps pour l'autre c'est ce qui donne de la valeur aux instants.
Je crains que nos enfants confondent la popularité, la véritable, celle dans son quartier, son travail, dans son groupe d'ami, avec la gloire virtuelle, celle qui ne repose sur rien et ne préserve pas des abîmes de solitude une fois l'écran éteint. Celle qui ne garantit pas une épaule sur laquelle pleurer.
Et pourtant on va continuer quand même encore un peu à jouer avec notre vitrine virtuelle. Combien de temps encore ? Le temps de trouver du sens...
En attendant, usons au mieux de la toile qui s'offre à nous. Tentons d'y esquisser quelque chose qui ne soit que le tremplin de nos futures poignées de mains.

Mes amis m'en veulent parfois de ne pas être assez « connectée », du réseau au téléphone, mais je ne doute pas que malgré ce reproche ils savent que le lien que j'ai avec eux est plus fort et plus profond que tous les tweets du monde, parce qu'on ne déconnecte pas les âmes une fois qu'elles sont reliées, même en cas de panne de réseau... 


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